À l’occasion de la Water Environment Federation’s Technical Exhibition and Conference 2024 (WEFTEC 2024), la plus grande conférence dans le domaine de l’eau en Amérique du Nord, Anna a animé une discussion sur une question environnementale urgente et émergente : les émissions d’oxyde nitreux (N2O).
Lors de la table ronde « Le N2O démasqué : comprendre et contrôler les émissions », elle et des chefs de file de l’industrie ont discuté de la façon dont les usines de traitement des eaux usées représentent une source importante d’émission de N2O, un gaz à effet de serre (GES) puissant avec un potentiel de réchauffement mondial près de 300 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2).
Au fil des discussions, il est devenu évident que les émissions de N2O, bien qu’elles représentent encore un nouveau défi climatique, exigent une mobilisation urgente. Ci-dessous, Anna revient sur les leçons tirées de sa table ronde et sur la façon dont l’industrie peut répondre à la crise des émissions de N2O.
Comprendre le N2O et les interdépendances entre les gaz à effet de serre
Notre approche du défi que représente le N2O dans le traitement des eaux usées s’est retrouvée au cœur de la conversation. Selon les récentes données scientifiques, le N2O, plus communément appelé gaz hilarant, est le plus grand contributeur de GES pour le traitement biologique des eaux usées. Nous sommes arrivés à un point où l’industrie comprend comment mesurer les émissions de N2O, mais il reste maintenant à mettre en place les mesures d’atténuation.
Les conférenciers de la WEFTEC étudient les stratégies d’atténuation au moyen de modèles et de campagnes à grande échelle. La discussion a porté principalement sur les modèles actuellement utilisés pour déterminer des stratégies potentielles et, au cours de cette séance interactive, nous avons discuté des questions les plus importantes. Par exemple : Est-il préférable d’ajouter du carbone externe afin de réduire les émissions de N2O? Les résultats du modèle sont-ils suffisamment fiables pour passer à l’action?
Le problème de l’équilibre
Contrairement aux polluants comme le méthane et le dioxyde de soufre, le N2O est une molécule stable qui ne réagit pas facilement avec les autres composés présents dans l’atmosphère et qui ne se décompose pas naturellement. Il est donc impératif de réduire au minimum sa dissémination.
En examinant les modèles abordés lors de la table ronde, les fractions de carbone, les niveaux d’oxygène dissous et les configurations de processus choisies (qu’il s’agisse de systèmes de mélange complets, de systèmes à écoulement piston ou de systèmes carrousel) ont tous une incidence sur la quantité de N2O produite. Chaque système se comporte différemment, non seulement dans la façon dont il gère l’élimination de l’azote, mais aussi dans la façon dont il affecte la libération de N2O. En d’autres termes, nous devons trouver un équilibre précaire lorsque nous réduisons les émissions de GES dans notre travail, car une tentative de réduction d’un type de GES peut entraîner un rejet net plus élevé d’autres GES.
Quantifier, comprendre et atténuer : réexaminer l’ordre des mesures
Ce qui ressort particulièrement des discussions, c’est que suivre une séquence figée de quantification, analyse et atténuation ne répondra pas au besoin urgent de nous attaquer à ce problème. Bien que, traditionnellement, ces étapes soient exécutées en séquence, lorsqu’il s’agit d’émissions de N2O, il est essentiel de réaliser que nous pouvons – et devrions – exécuter ces étapes en parallèle. Ce changement de mentalité est essentiel pour accélérer notre réponse à la crise climatique.
Bien que les modèles que nous utilisons pour prédire les émissions de N2O doivent encore être calibrés, on s’entend pour dire qu’ils sont suffisamment fiables pour orienter les mesures à prendre. Et ça change la donne. Nous n’avons pas besoin de tout comprendre parfaitement avant d’agir. Il existe aujourd’hui suffisamment de données pour influencer les décisions de conception et d’exploitation susceptibles de réduire considérablement les émissions de N2O.
Par exemple, en Nouvelle-Zélande, AECOM a procédé à la modélisation du N2O et du CH4 pour les émissions opérationnelles et incorporées afin d’éclairer la prise de décision du client quant au nouveau procédé de traitement des eaux usées qu’il devrait construire et exploiter. En travaillant avec le réseau mondial d’AECOM pour élaborer un plan pratique et éclairé de surveillance des émissions, nous avons été en mesure de formuler des recommandations concernant l’installation d’appareils de mesure pour déterminer le point névralgique des émissions, puis d’en informer les responsables des contrôles en usine pour leur permettre d’anticiper et de réduire les émissions dans la mesure du possible.
Le rôle des ingénieurs en santé environnementale
Au-delà des émissions de N2O, mon expérience avec la WEFTEC m’a rappelé la responsabilité que nous avons en tant qu’ingénieurs dans le secteur des eaux usées. En effet, notre travail a une incidence directe sur le cycle biogéochimique mondial, c’est-à-dire la façon dont des nutriments comme l’azote et le phosphore se déplacent dans l’environnement.
Souvent, les activités humaines – même celles bien intentionnées comme la construction de digues contre les inondations – peuvent avoir des conséquences négatives non voulues sur les écosystèmes, notamment la destruction des habitats aquatiques. Les choix que nous faisons en tant qu’ingénieurs n’affectent donc pas seulement les problèmes immédiats que nous résolvons, mais touchent aussi l’environnement dans son ensemble.
En route vers la réduction des émissions de N2O, même dans les zones aveugles
Nos discussions sur les émissions de N2O lors de la WEFTEC 2024 ont bien montré que, même s’il reste encore beaucoup à découvrir, nous pouvons déjà agir de manière concrète sur les points connus.
Nous avons déjà établi que les modèles qui ne sont pas parfaitement calibrés indiquent quand même les bonnes tendances. Nous savons aussi que, même si la compréhension de la gestion du N2O est un processus itératif, nous pouvons prendre des décisions éclairées en équilibrant les compromis : devrions-nous accepter des émissions de N2O plus élevées lorsque l’approche réduit les émissions globales de GES, par exemple, ou augmenter le nombre de réacteurs en utilisant des structures en béton qui créent leurs propres empreintes carbone pour réduire les émissions de N2O?
Notre capacité à trouver un équilibre déterminera la santé de nos systèmes d’eau et de la planète dans son ensemble.